L'EQUIPE du 7 Juillet 1997.



Par Philippe Bouin.

IL A TROUVE UN MARTIEN


La NASA, qui dépense des millions de dollars à expédier des explorateurs télécommandés sur Mars, devrait plustôt embaucher Cédric Pioline. Avec pour seul équipement sa chemisette, son short, ses tennis et sa raquette, le Français a déniché un Martien hier sur le central de Wimbledon. Malheureusement pour lui, la morsure de ce spécimen était mortelle.

En trois sets et à peine plus d'une heure et demie de jeu, Pete Sampras a démontré à Cédric Pioline, aux 13 120 spectateurs du central et à des millions de téléspectateurs de par le monde qu'il existe, sur surface rapide, un tennis au delà du tennis normal : le sien. Les sommets atteints par son jeu pendant ce tournoi furent vertigineux.

A vingt-cinq ans, trois jours après avoir paraphé la mise à la retraite de Boris Becker, Pete Sampras a donc fort normalement coiffé une quatrième couronne de Wimbledon, autant que son idole Rod Laver, et la dixième de sa pile de titres du Grand Chelem. Ce résultat lui permet de rejoindre au palmarès général du tennis masculin le légendaire Big Bill Tilden, à un titre de Borg et de Laver. Il reste encore à deux titres d'Emerson, recordman avec 12 victoires, mais ce recordman-là a largement bénéficié du passage dans les rangs professionnels de joueurs comme Laver, Gonzales ou Rosewall.

On ne sait pas encore quels bénéfices Sampras tirera de la retraite de ses adversaires de la génération précédente, celle des Becker, Edberg ou Stich, ou bien de la crise qui frappe ses ex-rivaux américains Agassi et Courier, mais on mesure mieux encore le vilain tour que lui a joué le virus qui l'a frappé à Roland-Garros. Vainqueur en Australie, vainqueur à Wimbledon, incontestable favori du prochain US Open, l'américain, s'il était resté en bonne santé, avait quelques belles cartes à abattre dans le tableau dévasté de Roland-Garros, qui auraient pu le rapprocher du Grand Chelem.